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On attribue à Diogène de Sinope- Diogène le Cynique -la paternité du mot « cosmopolite ». Diogène Laërce dans  » Vies, Doctrines et Sentences des philosophes illustres » raconte que quand on lui demandait  sa patrie, Diogène répondait :  » Je suis citoyen du monde ».

Mais l’idée  de citoyenneté du monde n’est pas propre à Diogène ni aux philosophes cyniques. Dans « La cité des peuples » F.Cheneval écrit : »Elle est en effet presque aussi ancienne que la philosophie occidentale elle-même ». Et de citer Démocrite ,  » l’univers est la patrie de l’âme excellente  » et Chrysippe  » le monde  est la maison et la cité communes des dieux et des hommes ». Dans les « Tusculanes », Cicéron raconte que Socrate répondait  à celui qui lui demandait de quel pays il était   » du monde ».

Dans « Les citoyens du monde. Histoire du cosmopolitisme », P.Coulmas relie l’émergence de l’idée de cosmopolitisme à l’ouverture des cirés grecques à la nouveauté, qui explique le succès des sophistes, « maîtres itinérants qui, sans poste fixe, allaient de ville en ville portant leur message et leur savoir et devinrent une véritable institution de la vie grecque ». Les sophistes tirèrent de leurs périgrinations l’idée de la relativité des croyances, des lois et des moeurs , les conduisant à penser que, selon le mot célèbre de Protagoras, « l’homme est la mesure de toute chose ». Ils opposèrent ainsi les nomoï ( lois humaines) , relatives, changeantes, à la phusis ( la nature), universelle, éternelle. C’est au nom de cette nature que Diogène affirme que tous les hommes sont égaux et constituent une seule humanité. Et c’est une cité selon la nature qu’il aurait proposé dans sa  » République », texte malheureusement perdu .

Les stoïciens développeront cette idée de citoyenneté du monde, affirmant que les hommes et les dieux forment une seule et même cité.

A la différence de cosmopolitisme antique, qui considère cette cité comme bien réelle, le cosmopolitisme moderne, avec Kant , la considérera comme un idéal. Kant s’appliquera à penser les conditions d’une possibilité de cette cité et c’est le droit qu’il convoquera pour montrer que cette cité est réalisable.

Le cosmopolitisme contemporain  ( qu’on appelle parfois « politique ») s’inscrit dans la voie kantienne, juridico-politique. Institutionnel, réaliste ,il cherche à penser les conditions de réalisation d’une citoyenneté mondiale et d’une communauté de droit ( c’est en ce sens que l’on entend le mot « réaliste »: il s’agit bien de partir du monde tel qu’il est pour essayer de le modifier , ce qui est l’objet d’une cosmopolitique).

A l’heure de la mondialisation/globalisation , le cosmopolitisme pourrait bien être la seule voie pour en éviter les conséquences catastrophiques pour l’humanité. F.Wolff  dans « Trois utopies contemporaines », fait du cosmopolitisme « le stade suprême de l’humanisme », et définit l’utopie cosmopolitique  » un rêve de réconciliation de l’humanité avec elle-même ». Il écrit : »Cette citoyenneté est inatteignable , peut-être. Il est possible que le droit international humanitaire en trahisse le concept, qu’elle soit incompatible avec la taille et le fonctionnement des Etats modernes, qu’elle contredise les nature des relations internationales, forcément antagoniques, ou même la nature de l’homme. On a pu dire tout cela. il n’empêche qu’il n’y a aucune raison de ne pas viser cet idéal » .

Nous partageons cette idée.

Mais sans doute est-ce en faisant preuve de réalisme qu’on peut espérer donner corps , progressivement , à cet idéal.

D’un point de vue philosophique, être réaliste c’est affirmer que le monde existe indépendamment de notre conscience.

Le réalisme  » exige l’affirmation de l’indépendance existentielle du monde par rapport à notre conscience  » écrit . C.Romano , dans    » L’appartenance au monde », livre dans lequel il défend  avec une grande riguer dans l’argumentation un réalisme  phénoménologique ( voir en particulier le chap; 2)

Dans le domaine de la poilitique et de la géopolitique  être réaliste  c’est , pour le dire de façon simple et rapide , prendre le monde tel qu’il est  et non tel qu’on voudrait qu’il soit.

Le réalisme trouve en Machiavel sa définition la plus simple lorsqu’il définit les êtres humains ( « Le Prince chap XVII La Pléïade)

« Car on peut dire généralement  une chose de tous les hommes : qu’ils sont ingrats ,changeants, dissimulés , ennemis des dangers, avides de gagner ; que tant que tu leur fais du bien, ils sont tout à toi, ils t’offrent leur sang, leurs biens, leur vie, leurs enfants  comme j’ai dessus dit , quand le besoin est futur; mais quand il approche , ils se dérobent ».

Machiavel en tire les conséquences dans les conseils qu’il donne au futur Prince : il faut accepter c ette situation et y adapter sa politique si on veut prendre et garder le pouvoir.

Notre réalisme est moins pessimiste que celui de Machiavel. Il prend acte du fait que tous les êtres humains ne sont pas tels que le dit Machiavel et il s’appuie sur le fait que la puissance humaine , celle qui définit les êtres humains, que l’on appelle habituellement la liberté , ne les porte ni du côté du « bien », ni du côté du « mal », en bref que les êtres humains ne sont ni bons ni mauvais.

Nous n’avons donc aucune raison d’exclure une « perfectibilité  » humaine, une capacité à trouver les voies , les méthodes , les capacités pour améliorer le monde.

Nous ne serions pas cosmopolites si nous ne le pensions pas.

Si bien que notre cosmopolitisme relève d’une foi dans les êtres humains et nous le considérons à l’instar de la recherche médicale  dont l’objectif principal est de mieux expliquer les maladies pour mieux  les soigner: expliquer et comprendre les guerres et la persistance des injustices,  tout ce qui menace la vie humaine  pour tenter de créer les conditions d’un monde meilleur  et assurer l’habitabilité de la planète Terre.

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